Une monnaie qui répond à la seule question réellement pertinente quand il s'agit d'argent: Combien?
Et non pas: Aimez-vous le style Renaissance (50€)? Le baroque /rococo (100 €) ? L'art nouveau (200 €) ? Aimez-vous George Washington (1 $) ? Préférez-vous Benjamin Franklin (100 $) ?
Combien, la question est plus ou moins éludée par les monnaies qui tentent toujours et partout de faire diversion*, de se faire passer pour des séries de tableautins, de petites leçons d'architecture, de petites icônes de papier plus ou moins indéchirable. La confusion est telle que bon nombre de personnes en viennent logiquement à encadrer ces petits tableaux et à les exposer chez elles en tant que tels, portraits et paysages miniatures**.
Les billets de la Banque Vincent Bergerat se contentent de la beauté des chiffres et des nombres, et nous offrent cette beauté. Nés de ce retournement, ces billets sont à la fois monnaie et œuvres.
Ainsi l'argent ne sert plus uniquement à effectuer des transactions, acheter des devises ou des œuvres (cf. la collection), il est œuvre.
Chaque série émise porte un nombre: 1, 5, 8, 10, 20, 50, 100, 500, 800, pour la première émission (2006), puis 1, 2, 5, 9, 11, 22, 55, 99, 111, 222, 555, 999, pour la seconde émission (2013), ainsi que le nom de la banque, bien que cette information ne soit pas strictement nécessaire (cf. Bricolage). Pas de nom de monnaie, il vient naturellement avec l'usage.
a. EXPOSITION/EXHIBITION
L'ostentation de la monnaie ou des cartes de la BVB est (tout comme pour les autres monnaies mais peut-être également pour toute œuvre d'art (on peut en tout cas se poser la question) perçue comme un acte vulgaire ou puéril par ceux qui en possèdent depuis longtemps, et nécessaire par ceux qui n'en possèdent pas, ou depuis peu, ou encore, de manière temporaire; cf. le receipt porn des superich kids.
b. SÉCURITÉChaque transaction effectuée par la BVB, à l'exception des opérations secrètes, est documentée par une photographie
ainsi qu'une liste précise des personnes présentes et des pièces faisant l'objet de la transaction.
c. SYSTÈMES DE VALEURS
1) La valeur nominale/faciale indiquée sur son unique face imprimée, contre laquelle il est échangé et reste théoriquement échangeable***, en euros, dollars, ou livres sterling, peu importe.
2) La valeur d'échange sur le second marché, qui varie comme chacun sait en fonction de facteurs multiples.
Remarque: Il est amusant de constater qu'une contrefaçon de billet de 50 francs (un Quentin de La Tour) de 1983 neuf, est proposée à 60€ sur un site français de numismatique, tandis qu'un vrai est proposé à 2,50€ sur eBay.
d. VIE
L'objet – billet –, conçu dans le seul but de représenter assez simplement un nombre et uniquement ce nombre, qui est sa valeur marchande quand il est vendu, prend vie à l'instant précis de la vente, sa valeur devenant infiniment fluctuante et le nombre initial (la valeur faciale), un souvenir.
e. CARTES
Les cartes sont nominales. C'est, avec le nom de la banque, la seule indication qu'elles portent. Elles restent à jamais la propriété de la BVB, et sont louées à l'année; remplacées en cas d'usure, au plus, une fois l'an, et déclinées en matières plus ou moins nobles. La perte d'une ou plusieurs cartes de la BVB ne dispense pas du paiement du loyer. La personne ayant perdu une ou plusieurs cartes et souhaitant les faire remplacer est tenue de financer leur reproduction.
Les prix des cartes sont secrets. Ainsi, puisque aucune valeur n'est indiquée clairement par un nombre, mais seulement suggérée par une matière et son travail, comme pour les bijoux ou les sacs à main, une tension particulière peut naître du fait que la pièce est produite uniquement pour son bénéficiaire, mais ne lui appartient jamais.
La couleur des cartes est déterminée conjointement avec le(la) collectionneur(euse).
Remarque: Le choix de la matière devrait logiquement décider de la façon dont le client utilisera sa carte; on ne choisit pas de cuir beurre frais pour l'intérieur de sa Ferrari quand on a des enfants, fit un jour remarquer avec bon sens un collectionneur.
f. CHANGEMENTS
La BVB se réserve le droit de modifier tout ou partie des notes qui précèdent et qui seules définissent le fonctionne- ment de la BVB.
Remarque: À propos de questions fondamentales éludées et de diversions, noter, dans ce qui précède, l'absence d'allusion à ce qui peut finalement apparaître comme l'unique motivation pour créer une banque: la perspective d'être «à l'abri» une bonne fois pour toutes, faire de l'argent à volonté.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Diversion, celle, par exemple – en plastique polychrome – que les restaurants industriels offrent aux enfants pour les endormir, celle encore – prenant cette fois le masque du quotidien le plus banal, de l'insoupçonnable – dont il est question dans They Live, de John Carpenter, quand l'abominable réalité ressemble aux paranoïa les plus extrêmes, mêlant extra-terrestres, lavage de cerveau, asservissement total de la race humaine, et canine, par voie de conséquence.
** Sur la page Wikipedia consacrée au graphiste Robert Kalina, employé de la banque nationale d'Autriche, qui a conçu et dessiné la série des billets en euros, est indiqué ceci: Catégories: artiste contemporain autrichien/ dessinateur de billets de banque/naissance en 1955. Sur la page (Wikipedia, assez succincte) appelée: Artiste contemporain autrichien, on le retrouve naturellement aux côtés d'Otto Muehl et d'Erwin Wurm.
*** Chaque personne ayant acheté l'un ou plusieurs des billets de la BVB s'engage tacitement à ne jamais réclamer la somme versée lors de la transaction.